vendredi 11 mai 2007

Homo Currens


Une étude récente consistant à mesurer l'évolution de la vitesse de marche des citadins de grandes villes de divers pays montre que celle-ci a augmenté en moyenne de plus de 10 % depuis le début des années 90. Selon les personnes ayant conduit cette étude, cela montrerait que les citadins ont une vie plus stressante, et un mode de vie peu sain.

Exit l'Homo Sapiens Sapiens. L'homme moderne n'a plus le temps de flâner en méditant, de regarder autour de lui et d'apprendre le monde. Il est un homme qui court. Il court dans les transports, il court dans les rayons des supermarchés, il court d'une réunion à l'autre, d'un rendez-vous à l'autre.

10 %, ce n'est pas anodin. Qu'a-t-il pu se passer dans le monde depuis le début des années 90, qui pourrait expliquer un tel changement ? Je ne vois personnellement qu'une réponse possible. Le changement le plus important sur Terre durant ces quinze dernières années est la mondialisation. La mondialisation, et son modèle capitaliste.

Je discutais récemment avec une personne qui me disait que depuis son entrée dans le monde du travail, il y a une dizaine d'années, elle ressentait très nettement un changement d'ambiance (au sein de la même société). Dans de nombreuses entreprises, les conditions de travail sont beaucoup plus stressantes de nos jours qu'elles ne l'étaient il y a dix ou quinze ans.

La mondialisation et la pression grandissante de la concurrence imposent un rythme de travail plus soutenu, et surtout une pression psychologique bien plus importante, tout cela pour produire plus. Dans quel but, je me le demande.

Je ne comprends pas l'humanité. Comment ne voit-elle pas qu'elle fonce droit dans le mur ?

Jolie boule bleue, mettez-m'en 6 !

Pour ceux à qui cela ne semble pas évident, en voici la raison : notre système économique mondial est basé sur la croissance. Pour qu'une entreprise soit saine et pérenne, il faut qu'elle accroisse son chiffre d'affaire d'une année sur l'autre. Pour qu'un pays se porte bien il faut qu'il accroisse la somme de ses richesses. Tout cela nécessite d'utiliser toujours plus les ressources naturelles à notre disposition. Or, notre planète aussi grande soit-elle est de taille finie et ses ressources sont limitées. Un jour ou l'autre les ressources s'épuisent. C'est déjà bien connu pour le pétrole, mais cela arrivera à toutes les ressources naturelles l'une après l'autre si la croissance ne cesse pas un jour. Consommer plus implique également, en l'absence d'une gestion irréprochable du recyclage, une augmentation des déchets et rejets divers.

Bien sûr, il y a l'espace, les astéroïdes d'où l'on pourra probablement un jour prélever des ressources supplémentaires, d'autres planètes à coloniser, et une immensité pour accueillir nos déchets. Mais objectivement, il semble peu probable que notre maîtrise de ces technologies soit suffisamment avancée ou rentable dans les décennies à venir pour subvenir à nos besoins si nous épuisons certaines ressources (en Métaux rares ou en matériaux radioactifs par exemple). Et puis l'espace ne peut rien contre la pollution de notre air ou de nos mers. Les différentes alertes soulevées par les scientifiques à propos des problèmes d'environnement résultent du fait que notre planète peine à assimiler les millions de tonnes de rejets que nous déversons chaque année dans l'air, dans la terre, et dans l'eau.

De plus, les indicateurs démographiques, économiques, montrent que les besoins en ressources de l'humanité vont encore énormément s'accroître dans les 40 années à venir. La situation est problématique à plus d'un titre. L'occident ne veut pas remettre en question son niveau de vie, ni son modèle économique de croissance, pourtant, la planète ne peut pas fournir notre niveau de confort à tous ses habitants. Si l'on veut partager équitablement les ressources de la planète, il faudrait que les français divisent par trois leur consommation actuelle. Les américains, par six. Formulé autrement, si tous les humains avaient la même consommation moyenne de ressources que les habitants des Etats-Unis, il faudrait 6 planètes pour nous nourrir, et 3 planètes pour la même consommation que les français. En fait, si la Chine avait la même consommation que les états-unis, elle consommerait à elle seule toutes les ressources de la Terre. Pour calculer cela, il a fallu déterminer la surface nécessaire à un individu pour répondre à ses besoins et absorber ses déchets. C'est ce que l'on appelle l'empreinte écologique.

Pire encore, aujourd'hui même et depuis plus de 30 ans (1975), nous consommons plus que ce que la Terre peut nous fournir. Malgré nos tentatives d'améliorer les choses depuis une quinzaine d'années, rien n'y fait, le processus se poursuit. Nous sommes en surconsommation, prélevons des ressources naturelles qui devraient être préservées, notamment pour les autres espèces animales, et épuisons les dernières énergies fossiles. Et l'écart s'accroît. D'après l'Agence Internationale de l'Energie, la consommation pourrait augmenter de 60 % d'ici 2030 si on ne fait rien.

Pas besoin d'être devin pour entrevoir ce que sera le futur de l'humanité si elle ne réagit pas rapidement pour trouver une solution à ces problèmes : D'abord des guerres lorsque les énergies fossiles parviendront à épuisement, puis des guerres lorsque les réserves d'eau douce parviendront à épuisement, puis...

SUV qui peut

Les solutions que l'on entrevoit ne sont pas nombreuses à ce jour. La décroissance semble pratiquement exclue tant les occidentaux sont enracinés dans leur habitude d'augmenter leur niveau de confort sans considération réelle pour l'impact écologique. La multiplication des SUV (Sport Utility Vehicle, des véhicules surélevés tout-terrains ou breaks) dans les métropoles me semble une bonne illustration de cet individualisme qui caractérise les occidentaux, et de cette fuite en avant vers le "toujours plus" : par rapport à des véhicules breaks classiques fournissant les mêmes capacités, mais moins à la mode, il sont souvent plus lourds donc consomment plus, sont plus dangereux pour les autres car surélevés (moins de visibilité du conducteur, et moins de visibilité des véhicules qui le suivent), et sont bien sûr plus chers.

Homo Sapiens ne pense plus, il court, il n'a pas vu que sur son chemin, l'herbe s'est étiolée et a jauni, que les étangs se sont asséchés, que la nature s'est tue.
L'homme court... à sa perte.



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Crédits photo: NASA

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